Emigration clandestine : le Maroc nouveau gendarme de l’Europe en Afrique
Un mois et demi après le massacre perpétré par les services de sécurité marocains contre des migrants à la frontière de l’enclave espagnole de Melilla, de nombreux demandeurs d’asile sont jugés à la chaîne par la justice du royaume chérifien.
Un groupe de 28 demandeurs d’asile sera jugé mercredi à Nador, dans le nord-est du Maroc. Originaires principalement du Soudan et du Tchad, ces prévenus font partie des 1 500 migrants qui avaient tenté de franchir le 24 juin les hautes clôtures qui séparent Melilla du territoire marocain. Vingt-trois d’entre eux avaient été tués par les forces de l’ordre marocaines. Épinglé par l’ONU, Rabat a rejeté la responsabilité de cette tragédie sur l’Algérie, mais sans convaincre personne. Il s’agit du bilan le plus lourd jamais enregistré aux passages de Melilla et Ceuta, les deux seuls points de frontière terrestre entre le Maroc et l’Espagne.
La comparution d’un nombre aussi important de migrants devant la justice est elle aussi inédite. Ces dernières semaines, 47 autres demandeurs d’asile ont été condamnés à plusieurs mois de prison ferme, poursuivis entre autres pour « entrée illégale » dans le pays et « appartenance à une bande criminelle d’immigration clandestine ». « On assiste à un changement à 180 degrés de la politique migratoire espagnole sur le dos des migrants », constate Omar Naji, de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). Ce durcissement rompt avec le chantage migratoire exercé jusqu’alors par le Maroc pour faire pression sur l’Espagne. Les 17 et 18 mai 2021, 10 000 candidats à l’exil avaient débarqué à la nage sur les plages de Ceuta en réaction à l’accueil par l’Espagne, quelques semaines plus tôt, d’un responsable du Front Polisario pour soins médicaux.